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CQFD - Comment réaliser son bilan carbone ?

Publié par Florian Langlois le | Mis à jour le

Ferdinand Brunet, Daf de Memo Bank, est l'invité de ce dernier "CQFD, la finance décryptée" de la saison. Il nous donne les clés pour réaliser son bilan carbone. Il revient en détail sur la façon dont ce sujet est fédérateur en entreprise, sur les KPI à mesurer et nécessité pour le directeur financier de s'emparer de ces enjeux extra-financiers.

En quoi réaliser son bilan carbone est une bonne première étape pour engager une démarche RSE ?

La plupart du temps, les entreprises veulent s'engager dans une démarche RSE, mais lorsque l'ond ébute ec genre de choses, on ne sait jamais réellement où on en est. L'entreprise ne sait pas si elle consomme, si elle émet beaucoup de carbone ou pas du tout. Faire un bilan carbone, c'est vraiment le point de départ. C'est un peu comme si vous aviez un directeur général qui venait voir un directeur financier et qui lui demanderait d'être rentable. Si l'entreprise n'a pas de bilan ou de compte de résultat, elle ne sait pas du tout où elle en est. Elle est alors obligée de commencer par la base qui est de faire le point sur une situation.

C'est quelque chose que vous avez fait chez Memo Bank, par quelles étapes êtes-vous passé ?

Au début, on s'est beaucoup renseigné. On s'est dit que nous n'allions pas être capable de le faire tout seul ou en tout cas que nous n'allions pas faire quelque chose qui n'était pas forcément juste. Un peu de la même manière où la première fois qu'on fait un compte de résultat, où l'on fait appel à un comptable, nous avions besoin de quelqu'un d'expérimenté. Nous sommes allés voir un cabinet spécialisé et nous leur avons demandé de faire ce bilan carbone avec eux. Il faut savoir que c'était une envie forte de la part des dirigeants, des fondateurs, mais aussi de toute entreprise. C'est une tâche qui concerne tout le monde. Il y avait cette volonté forte d'entreprise que l'on a traduit comme ça.

Quelles sont les autres étapes clés par lesquelles il faut obligatoirement passer ?

Le bilan carbone est déjà une bonne première étape. Par la suite, je pense qu'il y a une formation des collaborateurs qui est très importante. Nous avons mis en place la fresque du climat pour l'ensemble de nos collaborateurs, ce qui entraine une prise de conscience. Ca permet en tout cas d'avoir une prise de conscience globale. A partir de là, on peut commencer à avoir cette démarche en interne.

Pour réaliser ce bilan carbone, point par point, que faut-il faire de manière très concrète ?

Il faut déjà une situation comptable. Il faut essayer de traduire tout ça en émissions carbone. Il y a ensuite un ensemble de données dont on va avoir besoin. Par exmple, essayer de savoir comment les collaborateurs se déplacent, ce qu'ils mangent, ce qui est mangé en entreprise. Pour cette partie-ci, il va falloir mettre en place des questionnaires auxquels les collaborateurs doivent répondre. À partir du moment où l'on a ces deux points de départ : le questionnaire et la situation comptable, il est possible d'aller chercher des sources de données, notamment celle de l'ADEME, qui est publique. Cette base de données permet de voir, en fonction de vos dépenses, le carbone émis. Ce sont ces trois éléments-là qui vont permettre de faire un bilan carbone rapidement.

De quelle façon, en tant que Daf, vous avez contribué à la réalisation de ce bilan carbone ?

Je pense que le bilan carbone doit être fait au niveau de la finance. Il y a certains départements dans d'autres entreprises qui le font très bien, côté RH, RSE, mais c'est vrai qu'avec cette notion de comptabilisation, de chiffres, ces réflexes comptables, l'établissement du bilan carbone a toute sa plae dans le département financier. Je pense qu'il est très important que la finance, avec ses équipes, soit en premier plan sur ce sujet. Au début, il y a toujours un peu de travail supplémentaire à rajouter, mais tout le monde est conscient de l'enjeu, et que ce sujet est vraiment très important. Les équipes ne veulent pas faire de bilan carbone pour faire du greenwashing. Il était donc très important pour nous d'être totalement transparent. Nous avons travaillé en très étoite collaboration avec la partie communication, pour que quelqu'un puisse nous aider à décrire et expliquer les étapes sur lesquelles nous travaillons, afin d'avoir une transparence totale par rapport à notre bilan. Parce que ce n'est pas parfait du premier coup, parce qu'il faut parfois faire des chox, et donc être en mesure de les expliquer. C'était vraiment important.

Comment ce bilan carbone est pris en compte dans le compte de résultats de l'entreprise ?

En tant que tel, il n'est pas pris en compte tout de suite. Il n'y a pas d'impact financier sur le bilan carbone. En revanche, on sait que dans le futur, il y aura forcément une taxonomie qui va être liée. Réaliser un bilan carbone et se fixer des objectifs de neutralité dès aujourd'hui sont un gain pour le futur. C'est quelque chose qui va devenir standard, obligatoire. A mon avis, plus tôt on le fait et, qui plus est, de manière volontaire, plus simple ça sera.

En termes de reporting, qu'est-ce que cela implique ? Quel cap faut-il suivre ?

Un peu comme le compte de résultats : on se dit que ce qui compte, c'est la partie bénéfices ; en remontant, on se dit que l'EBITDA est important ; et puis, les revenus aussi sont importants... Le bilan carbone fonctionne un peu de la même manière : on a différents scopes. Il faut savoir ce que moi, en tant qu'entreprise, je vais émettre. Il faut alors regarder les déplacements, la nourriture. Il est aussi important de regarder les fournisseurs avec lesquels on interagit. C'est important et c'est un premier KPI clé. Le deuxième KPI va suivre toute la partie financements. A savoir pour nous, en tant que banque, quelles entreprises nous finançons. Donc cela concerne plutôt les émissions indirectes. C'est désormais quelque chose que l'on suit maintenant. Ce sont ces deux gros indicateurs qu'il faut suivre suivre : les émissions directes et indirectes.

Au-delà des KPI et de la façon de mesurer l'impact, très concrètement, qu'est-ce que cela change pour vous, pour l'entreprise ?

A partir du moment où l'on réalise son bilan carbone, ce qui est intéressant, un peu comme si on faisait une situation trimestrielle ou annuelle, c'est de le suivre et de voir l'évolution que ça va avoir. La première fois qu'on le fait, il y a un chiffre qui sort, le nôtre est l'un des plus bas en ce qui concerne les banques. Mais l'idée va être de réfléchir à la façon de le réduire encore. Nous émettons 121 tonnes de CO2 à peu près. L'idée est de chercher à les diminuer au maximum. Il faut donc réfléchir aux actions concrètes possibles. Tout d'abord, nous sommes une entreprise qui est en remote first, les collaborateurs sont principalement en télétravail, il y a donc peu de déplacements. Si jamais les collaborateurs sont amenés à se déplacer, c'est le train qui est privilégié et non l'avion. Ensuite, il faut travailler sur les repas proposés en entreprise. Dès qu'il y a un événement organisé, le menu est végétarien. On évite surtout le boeuf, qui n'est pas bon pour la planète. Ces deux points concernent la partie directe.

Pour les émissions indirectes, nous regardons lorsque nous faisons des appels d'offres avec des fournisseurs. Désormais, nous leur demandons leur bilan carbone. Il y a des fournisseurs qui ne sont pas du tout au courant, c'est une surprise pour eux. Et il y en a qui l'ont déjà préparé et qui sont contents qu'on leur demande. Ce bilan carbone n'est pas forcément l'élément primordial mais il reste très important et fait partie de la prise en compte du choix.

Reste enfin le financement. Sur ce point, nous demandons à nos clients leur bilan carbone de manière non obligatoire. Sachant que si jamais ils ne nous le donnent pas, nous allons nous baser sur une moyenne des entreprises de leur secteur. Nous sommes très attentifs à cela, parce qu'au final, chacun de nos financements va avoir un impact sur notre propre bilan carbone. D'autre part, non seulement les clients qui sont venus chez nous mais aussi toute notre entreprise n'accepteraient pas d'aller financer quelque chose de négatif pour la planète. C'est vraiment au coeur de toutes nos décisions.

Est-ce que les financiers ont besoin d'une formation pour aborder ces nouveaux sujets ? En avez-vous même fait une ?

Oui, notamment la fresque du climat, je trouve que c'est un très bon point de départ. Je pense qu'une formation sur ces sujets est obligatoire. Cela m'arrive de faire des salons, des séminaires, de discuter avec d'autres directeurs financiers, il y en a beaucoup qui n'y croient pas ou pour lesquels c'est un sujet vraiment secondaire ou du greenwashing. Et de l'autre côté il y a cette émergence de nouveaux dirigeants qui ont compris que c'est la priorité absolue. Il y a cette force qui est en train d'arriver et qui est primordiale pour le futur.

C'est un sujet très fédérateur au sein de l'entreprise ?

Complètement. Ce sont des objectifs communs assez faciles dans le sens où c'est difficile d'être contre et qui permet d'aligner vraiment tous les collaborateurs. Se moquer de ces sujets signifie peut être que l'ADN ne correspond pas à celui de l'entreprise. C'est vraiment fédérateur. Prenons des exemples qui peuvent paraître très bêtes, mais je sais que nos employés pour la plupart ne prennent pas l'ascenseur et vont monter les escaliers à pied. Ils vont manger des repas végétariens au moins deux ou trois fois par semaine. Il y a beaucoup de détails comme ceux là. La nouvelle génération qui arrive s'est emparée de ces sujets et les considèrent comme normal, cela fait partie de l'ADN.

En tant que néobanque, est-ce que vous incitez vos clients entreprises à faire ce bilan carbone et à engager une démarche responsable ?

Nous leur demandons, cela fait partie des pièces demandées systématiquement. Il y en a qui le font d'eux-mêmes, qui nous envoient leur bilan carbone. Pour le financement, les informations carbones sont demandées mais mais pas imposées. Mais de plus en plus, la démarche entre dans les habitudes. On prépare nos clients en leur expliquant que l'année prochaine, ils vont avoir une note verte donnée par la Banque de France, ce qui va avoir un impact sur leur coût de financement. C'est donc très important pour eux de se saisir du sujet dès maintenant. Parce qu'encore une fois, s'ils ne le font pas eux-mêmes, ils se verront attribuer une moyenne par la Banque de France qui sera peut-être complètement fausse. Entre deux entreprises qui vont créer des chaises, vous allez avoir une qui va se sourcer en bois, qui va replanter et donc qui aurait un très bon bilan carbone. Une autre va se sourcer en Chine et se faire livrer par avion. Demain, avec cette notation, ces deux entreprises auront la même note, sauf si elles réalisent leur bilan carbone. C'est très important pour les entreprises qui y sont sensibles d'avoir cette note. Et l'Europe va mettre en place des taxes qui vont faire en sorte que les entreprises qui polluent vont devoir payer. Si jamais ce n'est pas pris en compte dans le business model, ces entreprises sont vouées à mourir. C'est donc un sujet qui est extrêmement important pour avoir accès au financement.

Quel serait votre conseil ou vos conseils pratiques pour les directeurs financiers qui nous écoutent et qui voudraient se lancer là-dedans ?

Clairement, je pense que se faire accompagner pour le premier bilan est nécessaire. Il y a de très bons cabinets de consulting et ça ne coûte pas très cher. Il y a des subventions publiques pour le faire, notamment via l'ADEME. Réaliser son bilan peut même être gratuit dans certains cas. Cela permet de savoir où on en est et de comprendre quels sont les curseurs qui peuvent avoir un impact sur son modèle. Encore une fois il est essentiel de prendre le sujet maintenant !

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